Archive pour janvier 2014
14 manières fréquentes de tordre l’Évangile (Howard Snyder)
Posted by Désiré Rusovsky in Église, Création, Foi, Traductions on 25 janvier 2014
HOWARD SNYDER
14 manières fréquentes de tordre l’Évangile
Posté le 3 janvier 2014 par Howard Snyder
1. Interpréter l’Évangile principalement par l’épître aux Romains.
Les écrivains bibliques, y compris Paul, nous disent d’étudier l’ensemble des Écritures et de les interpréter à travers de cette globalité. Mais la tendance persistante à voir l’épître aux Romains comme la clé de toute l’Écriture persiste. Et l’Église et le monde en souffrent. (Voir mon article sur Seedbed, « Misplacing Romans » {Mal situer l’épître aux Romains}.)
2. Se concentrer uniquement sur « le salut personnel. »
La Bible n’enseigne pas le « salut personnel » de la façon individualiste et privée que cette expression en est venue à signifier. Au contraire, elle enseigne de multiples façons et au travers de nombreuses métaphores la réconciliation de toutes choses (par exemple, Éphésiens 1, en particulier le verset 10 : « … réunir toutes choses en Christ, celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la Terre. » 1:10, LSg, et Colossiens 1, en particulier le verset 20 : il a voulu par lui réconcilier tout avec lui-même, tant ce qui est sur la terre que ce qui est dans les cieux, en faisant la paix par lui, par le sang de sa croix.) – néanmoins pas sans jugement.
3. Faire du Ciel le but.
La Bible et les credo des premiers chrétiens ne disent rien sur « aller au Ciel ». Pourtant, cette phrase est devenue pratiquement synonyme de salut dans bien des esprits. La Bible se concentre sur l’accomplissement de la volonté de Dieu sur la Terre comme au Ciel, et de la rédemption ultime de toute la création, pas une scission cosmique éternelle entre la Terre et le Ciel.
4. La division entre clergé et laïcs.
C’est l’un des premiers signes du « mystère de l’iniquité » dans l’Église. Une fois que Satan nous a convaincus que seulement quelques-uns (et principalement des hommes d’un certain type) sont appelés dans « le ministère, » il a réduit l’efficacité de l’Église de nonante pour cent. La division entre clergé et laïcs est donc plus débilitante que tout autre préjudice dans l’Église. Elle porte atteinte à la doctrine biblique du sacerdoce des croyants, celle des dons de l’Esprit, et celle de l’appel universel à la diaconie (ministère, service).
5. Penser que l’économie et la politique ne sont pas directement des préoccupations liées à l’Évangile.
Cloisonner l’Évangile de l’économie et de la politique, en les situant en dehors de notre vie de disciple, est un dualisme non biblique. L’Évangile est une réalité économique et politique, alors par définition l’Église est autant économique que politique. Mais, l’économie et la politique doivent être interprétées à la lumière de l’Évangile, et non l’inverse. Le Royaume de Dieu en est le cadre général.
6. Rendre la communauté secondaire.
Les auteurs du Nouveau Testament se concentrent beaucoup plus sur la communauté, sur le corps du Christ, sur le fait que nous sommes membres du Jésus-Christ et par conséquent les uns des autres, que sur n’importe quel autre sujet. Moins la communauté est authentique au sens biblique de partage mutuel, de koinonia, plus les différences doctrinales viennent au centre et plus l’Église se concentre sur toute autre chose que la communauté. C’est pourquoi je traite tellement de ce sujet dans mon livre Community of the King (la communauté du roi) et dans d’autres.
7. Négliger l’Ancien Testament.
Ici, les deux erreurs les plus courantes sont : négliger l’holisme des desseins salvifiques de Dieu tels que révélés dans l’Ancien Testament, et accepter le mythe que toutes les vérités importantes de l’Ancien Testament deviennent « spiritualisées » dans le Nouveau. Ainsi, « terre promise », par exemple, vient à signifier « ciel » ou, une certaine expérience spirituelle intérieure. Quand cela se produit, les prédicateurs creusent l’Ancien Testament à la recherche de pépites « spirituelles » qui ont souvent peu à voir avec le contexte biblique historique et avec le sens.
8. Limiter la justice à la droiture personnelle.
Dans l’Ancien Testament, les Psaumes, les Prophètes, la Loi, la Sagesse, couplent constamment la justice et le droit as comme les deux faces de la même réalité globale. Notez, par exemple, le nombre de fois que la justice et le droit sont couplés et utilisés de manière presque interchangeable dans la poésie hébraïque.
Pourtant, l’Église les sépare souvent de différentes manières ; par exemple le droit parle de moralité personnelle et la justice de quelque chose dont Dieu prend soin lui-même grâce à l’expiation et/ou à une condamnation définitive. C’est carrément non biblique.
9. Négliger l’intercession.
Plus je lis sur la prière dans la Bible, sur Moïse, David, Les Prophètes, Job, sur la vie et l’exemple de Jésus, les Épîtres, plus je suis convaincu que l’Église en général et moi-même, nous avons négligé le ministère essentiel de l’intercession. Au travers du mystère de la prière et de l’Esprit de Dieu, l’intercession persévérante du peuple de Dieu peut (et souvent le fait) changer le cours de l’histoire et celui des relations entre les nations et entre les peuples et entre les religions, tout aussi bien que rejoindre nos besoins plus immédiats et personnels.
La prière d’intercession est un des principaux moyens de chercher d’abord le royaume de Dieu.
10. Des « croyants » à la place de disciples.
Jésus appelle et forme des disciples afin que le corps du Christ devienne une communauté de disciples du Royaume de Dieu. Le Nouveau Testament utilise rarement le mot « croyants ». Aujourd’hui, cette réalité est déformée par la tendance d’utiliser « croyants » au lieu de « frères » dans les traductions modernes (ceci afin d’être plus inclusives) ou alors d’utiliser des pronoms comme « eux ».
Ce qui importe n’est pas le nombre de croyants, mais le nombre de disciples, et par conséquent le ministère de faire des disciples.
11. Substituer le royaume de Dieu par le Ciel.
Dans la Bible, le Royaume de Dieu englobe la réalité, la souveraineté et l’amour de Dieu. Il ne s’y trouve aucun dualisme esprit/matière. La plupart des gens du temps de Jésus le comprenaient ; ils savaient, par exemple, que « Royaume des cieux » dans Matthieu était juste une manière différente de dire « Royaume de Dieu ».
Dans la Bible, nous voyons le royaume de Dieu comme étant à la fois présent et futurs, céleste et terrestre, personnel et social, soudain et graduel, intérieur et extérieur, dans une dialectique mystérieuse avec l’Église qui est en elle-même ni le royaume de Dieu, ni séparable du royaume de Dieu.
12. Réduire la foi à un seul domaine de nos vies.
Nous compartimentons. Notre marche chrétienne se réduit seulement à une part de nos vies, et cette part est souvent réduite à ce que nous croyons.
Mais, à présent, demeurent : la foi, l’espérance et l’amour – et la Bible indique clairement ce qui est le « plus grand » et le plus englobant des trois. Selon l’Évangile, la foi n’est pas la réalité ultime, elle est le moyen menant à aimer Dieu et les autres ainsi que toute la création divine avec tout notre être. Et ceci 24/7, comme on dit.
La Bible présente la foi agissant par l’amour ; l’amour étant activé par la foi et actionné par l’espérance – une confiance intégrale dans les étonnantes promesses de Dieu d’un plein-salut-pour-toute-la-création.
13. Ignorer Genèse 9.
Il y a une immense littérature sur la théologie de « l’alliance » ou « fédérale » (du latin « alliance »). Pourtant, curieusement, cette théologie commence presque toujours par l’alliance de Dieu avec Abraham (avec peut-être une allusion à Genèse 3:15). Pourtant, la première alliance biblique explicite se trouve dans Genèse 9, où Dieu établit son « alliance entre Lui et la Terre » (Genèse 3:13).
L’accent est explicite et répété : une alliance avec les humains et avec toutes les sortes d’êtres vivants. Si notre compréhension du salut saute de Genèse 3 à Genèse 12, nous ratons les enseignements bibliques essentiels sur le monde créé et cela déforme tout le reste de la Bible.
14. Divorcer la vie de disciple du soin de la création.
Quand nous négligeons ou déformons la révélation biblique sur monde créé, nous réduisons l’Évangile de beaucoup par rapport aux les promesses de la Bible. Nous le faisons à notre propre perte ; nous appauvrissons l’Église ; nous surspiritualisons l’expérience chrétienne et nous réduisons la dynamique de la mission chrétienne.
Quand on voit comment la vie de disciples et le soin de la création sont inséparablement liés dans le plan de Dieu, l’Église devient puissante avec patience et humilité « pour renverser des forteresses » (2 Cor 10:4).
Il y a, bien sûr, beaucoup d’autres façons de tordre l’Évangile. Chaque fois que nous détournons notre regard de Jésus-Christ et que nous interprétons l’Évangile à travers d’autres lunettes, nous avons des problèmes.
Utilisez le verbe que vous souhaitez : tordre, déformer, fausser, miner, neutraliser, châtrer, émasculer, annuler, dépouiller – le problème persiste et appelle à une vie de disciple basée attentivement sur la Bible, et christocentrique.
Le Saint-Esprit a été répandu à la Pentecôte, mais déjà dans le Nouveau Testament, nous voyons les Apôtres luttant contre des distorsions émergentes.
Et pourtant, souverainement, étrangement, l’Esprit de Dieu est à l’œuvre et il continuera à remplir les promesses et à guider le corps du Christ dans « toute la vérité » (Jean 16:13) jusqu’à ce que « la Terre [soit] remplie de la connaissance du Seigneur, comme les eaux couvrent la mer » (Ésaïe 11:09).
Howard Snyder
Ancien professeur d’histoire et de théologie missionnaire du Asbury Theological Seminary (1996-2006); il fait maintenant de la recherche et la rédaction à Wilmore, au Kentucky. Professeur d’Études wesleyennes, au Tyndale Seminary, à Toronto, 2007-2012. Auparavant il a été ensaignant et pasteur à São Paulo, au Brésil à Detroit, au Michigan; et à Chicago, dans l’Illinois. Le principal intérêt du Dr Snyder est la puissance et la pertinence de Jésus-Christ et de son royaume dans le monde d’aujourd’hui et de demain. Il a, entre autres, écrit : The Problem of Wineskins, Community of the King, et plus récemment, Salvation Means Creation Healed.
Le Bon Samaritain remis en place!
Posted by Désiré Rusovsky in Bible, Jésus-Christ on 17 janvier 2014
« Un docteur de la loi se leva, et dit à Jésus, pour l’éprouver : Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? Jésus lui dit : qu’est-il écrit dans la loi ? Qu’y lis-tu ? Il répondit : tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force, et de toute ta pensée ; et ton prochain comme toi-même. Tu as bien répondu, lui dit Jésus ; fais cela, et tu vivras. Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : et qui est mon prochain ? Jésus reprit la parole, et dit : un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba au milieu des brigands, qui le dépouillèrent, le chargèrent de coups, et s’en allèrent, le laissant à demi mort. Un sacrificateur, qui par hasard descendait par le même chemin, ayant vu cet homme, passa outre. Un Lévite, qui arriva aussi dans ce lieu, l’ayant vu, passa outre. Mais un Samaritain, qui voyageait, étant venu là, fut ému de compassion lorsqu’il le vit. Il s’approcha, et banda ses plaies, en y versant de l’huile et du vin ; puis il le mit sur sa propre monture, le conduisit à une hôtellerie, et prit soin de lui. Le lendemain, il tira deux deniers, les donna à l’hôte, et dit : aie soin de lui, et ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour. Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ? C’est celui qui a exercé la miséricorde envers lui, répondit le docteur de la loi. Et Jésus lui dit : Va, et toi, fais de même. » Luc 10:25-37.
Pendant longtemps, je n’ai pas été vraiment satisfait de l’explication classique de cette parabole, parce qu’il y avait certaines choses qui ne collaient pas, comme, par exemple, pourquoi Jésus demandait, qui était le prochain du blessé.
Un jour, la question initiale du docteur de la loi m’a frappé : « que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? » Moi, qui croyait que la vie éternelle était un don gratuit de Dieu qui se recevait par la foi. Et Jésus lui répond sans le contredire.
Cela m’a amené à relire attentivement ce texte sous ce nouvel éclairage.
D’abord le docteur de la loi, vient pour tester Jésus. Il a donc dès le début une attitude de méfiance ou même de défiance.
Jésus le ramène à ce qu’il connaît déjà : la loi, et par là il le met en porte à faux. Le docteur de la loi voulant se justifier pose alors la question : qui est ce prochain que je dois aimer.
Là, Jésus commence son récit.
Un homme agressé par des brigands gît, à demi mort sur le bord du chemin.
Un sacrificateur qui passe par là n’intervient pas, et pas non plus un lévite. Ce n’était pas qu’ils n’avaient pas de cœur, mais simplement qu’ils ne pouvaient pas prendre le risque de se souiller au contact d’un mort. C’était même totalement interdit pour un sacrificateur : « L’Éternel dit à Moïse : Parle aux sacrificateurs, fils d’Aaron, et tu leur diras : Un sacrificateur ne se rendra point impur parmi son peuple pour un mort, excepté pour ses plus proches parents, pour sa mère, pour son père, pour son fils, pour son frère, et aussi pour sa sœur encore vierge, qui le touche de près lorsqu’elle n’est pas mariée. » Lévitique 21:1-3.
Le Samaritain, étant considéré comme un hérétique par les Juifs, n’avait pas ce problème de pureté. Il fait tout ce qui est nécessaire pour que le blessé ne meure pas, mais pour qu’il revienne à la vie. Il fait ceci parce qu’il est « ému de compassion »
Et là vient la question de Jésus : « Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ? Luc 10:36, LSg. »
C’est doublement une question piège, car il force le docteur de la loi, à dire un mot qu’il exècre : Samaritain et il lui fait comprendre que le prochain qu’il doit aimer est celui qui le sauve.
Pour aller plus profondément dans le sens de la parabole, qui était certainement très clair pour le docteur de la Loi, ce qui explique sa répugnance à répondre, voici les éléments.
Un homme en état désespéré, dans l’incapacité de se sauver de la situation dans laquelle il a été mis. Le système sacrificiel est incapable de l’aider, pas plus que le système religieux représenté par le Lévite, seul, celui qui est considéré comme un Samaritain par les chefs religieux (« Les Juifs lui répondirent : n’avons-nous pas raison de dire que tu es un Samaritain, et que tu as un démon ? » Jean 8:48.) peut venir au secours de cet homme. Dans le Nouveau Testament, l’expression « ému de compassion » est réservée uniquement à Jésus ou à Dieu, ce qui renforce encore l’identification du Samaritain.
Donc, dans ce texte, le prochain que nous sommes appelés à aimer est celui qui nous sauve de notre misère : Jésus-Christ. Et c’est le message que Jésus a voulu faire passer à ce docteur de la loi défiant, tout en lui démontrant que c’est absolument conforme à la loi dont il fait métier.
Ce texte était compris ainsi dans l’église des premiers siècles, avec la différence d’une hyper allégorisation de chaque élément.